Par MONTS
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et par VAUX |
Lundi 10/7 : Huaraz - Camp de Base du Pisco
Au marché de Huaraz
Nous repartons au camp de base du Pisco vers 12h. Cette fois nous avons le matériel de montagne (corde, baudrier, piolet, crampons) car nous voulons gravir le Pisco. C’est peut être le sommet le plus fréquenté du Pérou, une sorte de Mont Blanc local, mais il nous avait paru très tentant depuis le col Llanganuco. Des alpinistes français rencontrés à Huaraz nous ont confirmé que la vue y est magnifique. Ce bel objectif à portée de main nous permet de passer une bonne nuit sur nos matelas autogonflants très confortables.
Mardi 11/7 : Camp de Base du Pisco (4000m) - Camp de la Moraine (4900m)
La côte est assez raide et les sacs sont très lourds (25kg ?). Le mauvais temps menace. Nous sommes pris dans une giboulée de neige quand nous approchons du refuge. Nous décidons de nous y arrêter même si ce n’est pas tellement dans l’esprit de cette ascension puisque nous portons tout le matériel de camping. Il ne faut pas être buté ! Il n’y a que deux refuges dans toute la Cordillère Blanche, celui-ci et un autre dans la Quebrada Inshinca, les deux endroits les plus fréquentés. Ces refuges sont gardés et en parfait état, comme les meilleurs refuges des Alpes. On peut y manger comme dans un restaurant. Contrairement à ceux des Alpes ils sont plutôt utilisés par les randonneurs que par les grimpeurs.
Nous repartons dans l’après midi. Le refuge est à mi-parcours entre le camp de base et le camp de La Moraine et n’est pas très pratique pour l’ascension du Pisco. La traversée de l’énorme moraine est un peu pénible et ne doit pas être facile à la frontale au petit matin. Nous arrivons à Campo Morena après 5h de marche en tout.
La voie normale du Pisco remonte la moraine, franchit le
col sous le nuage,
et suit l'arrête sur le versant opposé.
C'est parti pour deux heures de moraine, sous le Huandoy
!
Mercredi 12/7 : Camp de la Moraine (4900m) - Pisco (5700m) - Camp de Base (4000m)
Levés à 4h, nous partons à 5h15, une heure après un groupe de Tchèques et une heure après l’horaire idéal car nous avions promis au grimpeur basque rencontré à Huaraz que nous l’attendrions pour qu’il profite de notre corde. Il comptait partir du refuge pour porter moins lourd, mais il n’est pas venu.
La montée au col à 5200m est très jolie avec le lever de soleil sur le groupe du Huandoy. Au col la vue devient fantastique avec les perspectives sur la Quebrada Paron, et notamment la pyramide parfaite de l’Artesonraju.
Le Huandoy (6356m) à droite, et le sommet sud (6150m) à gauche
La Quebrada Paron
La pyramide de l'Artesonraju (6025m). Au fond, on distingue
l'Alpamayo (5947m).
La montée est facile : il s’agit d’une marche sur un glacier peu crevassé et peu pentu. Il y a juste un petit passage raide trente mètres sous le sommet, sur le bord d’une crevasse. Un pieu de bois est planté au-dessus pour l’assurage. Une cordée partie très tôt a rebroussé chemin à cet endroit. Toute cette montée est d’une beauté inouïe : c’est quand même autre chose que la randonnée de se trouver au cœur de ce paysage irréel. La transparence de l’air rend le ciel bleu profond. Les faces de neige bien blanches scintillent comme des pierres précieuses.
Trois des quatre sommets du Huandoy
Vue sur le Chopicalqui et le Huascaran depuis le sommet du Pisco
Nous arrivons au sommet vers 9h, en bonne forme après 4h de montée tranquille. C’est bien émouvant de se retrouver à 5700m, bien au-dessus du plancher des vaches. Nous sommes les premiers de la journée malgré notre départ tardif, ce qui traduit une bonne acclimatation qui nous réjouit car elle est prometteuse pour la suite. A peine gravit-on un sommet que l’on pense au suivant. Quelques minutes plus tard des nuages peu épais couvrent un peu le quart sud est de l’horizon. Il fallait monter tôt ! Un Tchèque arrivé au sommet en solo supplie pour qu’on l’encorde sur le passage délicat. Avec le froid le film de la montée casse à l'intérieur de mon appareil. Il n'y aura donc pas d'images de la descente car je fais le pari que je pourrai récupérer le film cassé en bricolant dans le noir. Cela s'avèrera payant.
Dans la descente nous croisons pas mal de gens partis tard, certains ne sont pas encordés et semblent ne pas se douter des risques qu’ils encourent. Ils demandent combien il leur reste à monter. Bref c’est un peu le zoo ! Les 1700 m de descente jusqu’au camp de base sont bien longs avec les gros sacs. Nous rencontrons une jolie américaine qui part seule à la conquête du Pisco et nous demande quelques renseignements. Etonnant !
Nous arrivons au Camp de Base un peu après 16h, ce qui fait 11h de marche avec les arrêts. C’est à peu près l’horaire d’une course moyenne dans les Alpes, alors que nous venons probablement de faire une des courses les plus faciles de la Cordillère Blanche. Il n’y a aucune difficulté technique mais la longueur et le poids des sacs corsent un peu les choses. Je vois deux solutions pour faciliter la tâche. La première est d’ajouter des étapes comme certaines cordées rencontrées, au risque d’avoir l’impression d’être scotchés dans le paysage ! La seconde est de louer les services d’un porteur comme beaucoup le font. Les mules qui sont proposées au camp de base sont utilisées par les trekkeurs mais s’arrêtent dès la moindre difficulté (parfois avant) : ici elles ne peuvent passer la moraine.
Comme nous n’avons pas de voiture garée au parking nous campons pour attendre le collectivo du lendemain !
Jeudi 13/7 : Camp de Base Du Pisco - Huaraz
Le collectivo de 8h nous laisse à Yungay. Nous prenons le petit déjeuner sur la place du marché, haute en couleurs. Les indiennes des villages avoisinants vendent leur maigre production, assises par terre, dos au soleil. La propriétaire du café raconte le glissement de terrain qui a rayé Yungay de la carte il y a une trentaine d’années en faisant des milliers de morts. Elle s’était enfuie et a du travailler dur à son retour pour réaliser ce qu’elle considère une ascension sociale réussie. Comme nous trouvons que les gens du pays sont assez peu entreprenants, comparés à des pays pauvres d’Asie par exemple, nous lui demandons pourquoi elle n’ouvrirait pas une petite buvette / épicerie au Camp de Base du Pisco car le marché potentiel semble important. Elle répond "trop dangereux, on pourrait se faire attaquer. Ici la plupart des gens ne veulent pas travailler dur, et beaucoup volent". Elle est jalouse de Huaraz qui draine les touristes alors que Yungay est délaissée malgré la proximité des sommets les plus connus. Elle est consciente qu’il manque pas mal d’infrastructures ici et ne voit pas comment remédier à la situation.
Vendredi 14/7 : Huaraz
Nous avons rendez-vous avec José à 8h pour préparer la course. Nous optons pour le Tocllaraju : comme il y a moins de transport qu’au Chopicalqui nous pouvons gagner un jour de sécurité en cas de mauvais temps, et puis nous préférons éviter de retourner dans la région du Pisco afin de découvrir une autre vallée.
José vient voir notre matériel à l’hôtel et paraît rassuré. Il nous demande de prendre notre corde et des broches. Pour la nourriture c’est à nous de nous débrouiller pour les quatre. Nous lui disons que nous sommes d’accord pour prendre un porteur mais pas de mules. Il a déjà le nom d’un porteur en tête et nous demande un acompte de 50% dès maintenant : par ici les bons "dollares". Il a aussi une solution prévue pour le taxi : un guide qu’il connaît. Le filon est réservé aux amis !
Nous faisons un peu de shopping sous les arcades de la rue principale de Huaraz. Je rentre dans un magasin de vêtements pour chercher un pantalon en fourrure polaire plus épais que mon collant, dans la perspective d’un bonne caillante au Tocllaraju. La charmante vendeuse me présente un modèle marqué North Face et m’en vente les mérites. Je lui fais remarquer qu’il est étonnant pour de la polaire que l’étiquette indique 100% coton. Jean s’étonne que le modèle de taille supérieure n’ait pas la même étiquette : "c’est de la contrefaçon ?" Réponse offusquée : "Non, non, ce n’est pas de la contrefaçon, c’est de la contrebande. C’est pour cela que l’on coupe les étiquettes et que l’on en remet d’autres." Nous voilà rassurés.
Samedi 15/7 : Huaraz - Camp de Base du Tocllaraju (4350m)
Nous retrouvons José à 7h à la maison des guides. Il nous présente Angel qui sera notre porteur : "Angel est aspirant guide, c’est mieux ainsi". Angel a juste un petit sac pour ses affaires personnelles et un piolet canne. Il a failli partir sans sac de montagne si Jean n’avait pas poussé un coup de gueule pour qu’il en emprunte un. Bref nos amis sont un peu indolents !
Le "taxi" nous laisse au village de Collon, nous demande 70 sols pour ce trajet, et prend rendez-vous pour dans quatre jours, avec acompte de 50%, bien entendu ! Les hommes de cette communauté agricole sont réunis debout au centre du village pour une discussion importante, sans les femmes. On nous demande de nous inscrire sur un registre et de payer six sols.
Il reste à monter environ 1000m par un sentier assez long. Cela fait du bien de changer de secteur. Soudain le Tocllaraju apparaît dans un virage du sentier : c’est une belle montagne ! Elle a l’air raide ! Angel en bave en portant nos chaussures plastique, nos crampons, notre corde, notre tente et une partie de la bouffe. Il est plié en deux. José porte toutes ses affaires. Jean et moi sommes quand même assez chargés (18kg ?) et nous soufflons un peu. Cela nous étonne car nous pensions être entraînés. Nous faisons une petite sieste d’une heure en arrivant au camp de base vers 15h. José nous indique qu’il préfèrerait qu’Angel monte au sommet avec nous, ce que je sentais venir dès le matin. Difficile de comprendre les motivations de cette demande : sécurité supplémentaire ? Possibilité de retour d’un de nous deux en cas de fatigue ? Référence supplémentaire pour le carnet de course d’Angel ? Diminution du poids du sac de José ? Peut être une combinaison de tout cela, mais cela ne nous pose pas de problème particulier
Bon dîner : nouilles chinoises, macaronis à la bolognaise, dattes. Magnifique coucher de soleil sur le Tocllaraju. Bonne ambiance. José a reçu des nouvelles fraîches auprès d'un collègue: la voie est en bonnes conditions. Le temps semble au beau. Tout baigne ce soir.
Le Tocllaraju vu du camp de base
Dimanche 16/7 : Camp de Base - Camp d’Altitude du Tocllaraju (5200m)
José ne souhaite pas partir trop tôt pour ne pas que nous nous gelions au camp d’altitude. Nous prenons donc tranquillement notre petit déjeuner au soleil en faisant sécher la carapace de givre nocturne habituelle de la tente. Aux alentours du refuge, il y a une quarantaine de tentes sur un rayon de 300 m. Ce camp est très fréquenté car en plus du Tocllaraju il dessert deux sommets classiques d’acclimatation (l’Urus et l’Inshinca) et aussi le Ranrapalca, sommet assez difficile.
Les alpacas font partie de la famille des moutons, contrairement
aux lamas
qui sont cousins des chameaux.
Nous partons vers 10h en laissant au refuge un sac avec les chaussures de randonnée et un peu de nourriture. La pente devient vite raide mais sans problème. C’est agréable d’être aidé par un porteur ! Le sentier bien marqué indique que nous ne faisons pas une première. Nous mettons les crampons et nous encordons peu après la rencontre de la neige.
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Montée au camp d'altitude du Tocllaraju
A l'endroit préconisé pour le camp d’altitude il y a un groupe d’Allemands assez nombreux. Nous préférons camper au-dessus, sur un plateau. C’est plus exposé au vent, mais plus tranquille et la vue est bien meilleure. Nous creusons deux plate-formes dans la neige pour les tentes.
Le coucher de soleil est très beau et très
long. Nous réglons le réveil à 2h30.