Par MONTS
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Montagne, voyage et photo : à quoi bon?


A quoi bon voyager à l'autre bout du monde? A quoi bon gravir des sommets et prendre des risques? A quoi bon photographier?

En plus du plaisir éprouvé qui pourrait à lui seul justifier l'agitation, tout cela a-t-il un sens?

En attendant d'esquisser une tentative de réponse, voici quelques citations que j'aime bien.


A quoi bon voyager à l'autre bout du monde?

Avec ses quatre dromadaires
Don Pedro d'Alfaroubeira
Courut le monde et l'admira.
Il fit ce que je voudrais faire
Si j'avais quatre dromadaires.
Guillaume Apollinaire, Le Bestiaire

Qui songerait à mourir sans avoir fait le tour de sa prison ? Marguerite Yourcenar, l'Oeuvre au Noir

Comment vivre sans inconnu devant soi ? René Char

Il importe pour l'équilibre émotionnel de l'homme que subsiste la "Wilderness", les espaces sauvages de la planète où l'on a encore la liberté de s'égarer, de se mesurer à une nature intacte. Pierre Beghin


A quoi bon gravir les sommets?

L'alpiniste est un homme qui conduit son corps là où, un jour, ses yeux on regardé. Et qui revient. Gaston Rébuffat

Bien grimper, gravir des sommets, mais en même temps, peu à peu, se sentir à l'unisson de l'altitude. Respirer comme la neige, le rocher, les nuages, les vents. … l'ascension n'a jamais été besogneuse, mais légère et inspirée, comme une belle trajectoire. Le vrai plaisir, à la fois élégant et solide c'est de grimper dans un monde où l'on est accordé.
Gaston Rébuffat

En haute montagne, on ne recherche pas le plaisir mais le bonheur. Viviane Seigneur

Pour mon père, partir en montagne c'est comme se rendre à l'église. Aldous Huxley.

Un sommet n'est le terme qu'en apparence et le chemin vrai n'a de sens que s'il mène au coeur de soi. Michel Deshorbay

Et les risques?

COELIO: Et n'est-ce pas un suicide comme un autre que la vie que tu mènes ?
OCTAVE : Figure-toi un danseur de corde, en brodequins d'argent, le balancier au poing, suspendu entre le ciel et la terre ; à droite et à gauche, de vieilles petites figures racornies, de maigres et pâles fantômes, des créanciers agiles, des parents et des courtisans ; toute une légion de monstres se suspendent à son manteau et le tiraillent de tous côtés pour lui faire perdre l'équilibre ; des phrases redondantes, de grands mots enchâssés cavalcadent autour de lui ; une nuée de prédictions sinistres l'aveugle de ses ailes noires. Il continue sa course légère de l'orient à l'occident. S'il regarde en bas, la tête lui tourne ; s'il regarde en haut, le pied lui manque. Il va plus vite que le vent, et toutes les mains tendues autour de lui ne lui feront pas renverser une goutte de la coupe joyeuse qu'il porte à la sienne, voilà ma vie, mon cher ami ; c'est ma fidèle image que tu vois.
Alfred de Musset, Les Caprices de Marianne

Pour faire de l'alpinisme, il faut deux choses : de l'enthousiasme et de la lucidité.
Accepter de porter un sac, de dormir plus ou moins bien dans un refuge, parfois à un bivouac, d'avoir froid puis chaud, peut-être d'avoir faim, sans doute d'avoir soif, partir en sachant que l'on ne pourra pas arrêter le jeu, c'est-à-dire l'ascension, si tout à coup on en a assez, soit que l'on soit fatigué, soit que le temps devienne mauvais, être tributaire d'un compagnon qui peut-être marchera moins bien, - bref, quitter un confort et des habitudes, c'est cela l'enthousiasme. C'est un beau sentiment, surtout à notre époque qui oublie de plus en plus que l'on a des muscles et une tête qui ne demandent qu'à servir, et dont leur belle fatigue nous procure une paix et même une allégresse intérieures. Marcher, grimper n'est pas du tout un sacrifice, mais l'accomplissement d'une action pour laquelle chacun a, à sa naissance, reçu naturellement ce qu'il faut et qui procure un sain plaisir. Et en dehors de l'action, il n'est après tout ni si dur ni si désagréable d'avoir faim ou froid un moment. A une époque où tout est de plus en plus prévu, programmé, organisé, pouvoir se perdre sera bientôt un délice et un luxe exceptionnels.
Tout autant que de l'enthousiasme, il faut de la lucidité. Ces deux sentiments apparemment contraires se complètent magnifiquement.
La lucidité c'est apprendre à bien connaître ses limites, tout en cherchant à les reculer, et les accepter, c'est-à-dire avant la course ajuster des désirs d'ascension à sa compétence et à celle des membres de sa cordée; pendant la course, être capable à tout moment de faire le point, honnêtement, ce qui est difficile, car il faut alors écarter tout sentiment, toute passion, toute envie de réussir à tout prix pour faire le rapport précis entre les difficultés (éventuellement les dangers) évaluées au plus juste des passages qui restent à gravir et les forces (muscles et tête) de la cordée, afin de décider si l'on peut, si l'on doit continuer ou faire demi-tour. Extraordinaire et merveilleux examen dans le secret de son cœur où la prudence risque parfois de n'être qu'un aspect de la lâcheté, et l'entêtement à poursuivre qu'une stupide et dangereuse déformation de la volonté.

Gaston Rébuffat, Le Massif du Mont Blanc.

Agir en primitif et prévoir en stratège. René Char

The good life is one inspired by love and guided by knowledge. Bertrand Russel, What I Believe.

Reason is a harmonising, controlling force rather than a creative one. Bertrand Russell

Faut-il persévérer?

Contre toute attente, je parvins à rester marié tout en continuant à grimper. Néanmoins, je ne me sentais plus obligé de pousser les choses à l'extrême, d'apercevoir le divin en haut de chaque cime, de transformer chaque ascension en un défi supérieur au précédent. Aujourd'hui, je me fais l'effet d'être un alcoolique qui serait passé de cuites quotidiennes au whisky à quelques verres de bière le samedi soir. Je me suis installé avec bonheur dans un alpinisme médiocre.
Jon Krakauer, Rêves de Montagnes.

L'alpiniste n'est pas celui qui entreprend uniquement des courses extrêmes, nécessairement réalisées pendant une courte période de sa vie. A mon avis, c'est plutôt celui qui, dans la durée, est lié à la montagne, dans son acceptation la plus large, en tant qu'idéal et manière de vivre.
Anderl Heckmair, Alpiniste

Pour moi, il faudra descendre les degrés de l’échelle. Mes forces et mon courage ne cesseront de diminuer. Très vite, les Alpes redeviendront les pics terribles de ma jeunesse. Si vraiment aucune pierre, aucun sérac, aucune crevasse ne m’attend quelque part dans le monde pour arrêter ma course, un jour viendra où, vieux et las, je saurai trouver la paix parmi les animaux et les fleurs. Le cercle sera fermé, enfin je serai le simple pâtre qu’enfant je rêvais de devenir.
Lionel Terray, Les Conquérants de l’inutile

A quoi bon photographier?

La beauté réside dans l'oeil de celui qui regarde. Proverbe japonais.

Pour mon goût, voyager c'est faire à la fois un mètre ou deux, s'arrêter et regarder de nouveau un nouvel aspect des mêmes choses. Souvent, aller s'asseoir un peu à droite ou à gauche, cela change tout, et bien mieux que si je fais cent kilomètres.
Alain, Propos sur le bonheur

Hé bien Alain, tu vas nous mettre en retard! Tu fais ta photo et tu remontes sur ton dromadaire!

Pour finir, un petit conseil :
T'as pas besoin d'un flash quand tu photographies un lapin qui a déjà les yeux rouges. Jean-Claude Van Damme

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