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Deux Ludions dans la Cordillère Blanche (1/3)

Pérou, Juillet 2000


Ludion: n.m. (lat. ludio, histrion). Petite figurine qui, suspendue à une sphère creuse, descend ou remonte dans un vase rempli d'eau, suivant qu'on appuie ou non sur la membrane élastique qui ferme ce vase. (Petit Larousse)

J’avais envie de visiter le Pérou depuis très longtemps pour découvrir les Andes centrales et ses plus belles montagnes. A la fin des années 80 les violences des terroristes du Sentier Lumineux m’en avaient dissuadé. L’occasion se présente à nouveau cette année car je me trouve à la tête d’un petit pécule de congés. Je ne me laisse pas décourager par les troubles causés par la réélection biaisée du président Fujimori, et je propose à Jean, lui aussi riche en jours de congés, un voyage commun. Nos deux épouses, moins chanceuses au tirage 2000 de la réduction du temps de travail, resteront en France. Ce sera une virée "entre hommes" pendant trois semaines moins deux week-ends, soit 18 jours sur place, ce qui n’est pas très long vu la taille du pays et la hauteur des montagnes.

Les oscillations des ludions. On distingue trois phases:
acclimatation, ascension du Pisco (5700m), ascension du Tocllaraju (6040m).

Jean connaît déjà bien la région, et notamment les grands sites incas, grâce à deux voyages précédents. Comme nous avons envie de nous défouler un peu, nous axons nos vacances sur la montagne. Les découvertes culturelles sont reportées au futur, lors d’un prochain voyage avec Marianne. Après étude de quelques topos, articles et sites internet je propose à Jean de commencer le séjour par un tour de la Cordillère Huayhuash. Ce massif est dominé par le Yerupaja, second sommet du Pérou (6634 m) : les montagnes ont l’air magnifiques (Yerupaja, Jirishanca, Siula) et la région semble plus sauvage que la Cordillère Blanche car il n’y a pas de routes. Si nous arrivons à optimiser les trajets en bus et à gagner deux ou trois jours sur le temps de marche officiel de Chinquian à Catajambo, nous serons acclimatés à l’altitude et il nous restera alors assez de temps pour gravir deux sommets dans la Cordillère Blanche. Nous pensons que le temps de marche officiel (7-8 jours) a été établi pour s’accommoder des caprices des mules et des trekkeurs. Afin de gagner du temps Jean réserve depuis la France un bus de nuit Lima - Huaraz quatre heures après notre arrivée prévue, et loge une semaine de nourriture dans sa valise. Bref, nous sommes motivés !

Les Cordillères péruviennes et boliviennes

Lundi 3/7 : Toulouse - Lima

Nous avons au départ environ 100 kg de bagages: matériel de randonnée, matériel de haute montagne, et nourriture. Après un vol sans histoires notre mine s'assombrit quand nous réalisons qu’il manque un des quatre sacs sur le tourniquet de l’aéroport de Lima. Il contient notamment les chaussures de montagne, les vêtements Goretex, et les piolets de Jean. Il ne reste plus qu’à espérer que le sac arrivera sur le vol suivant prévu dans deux jours. Nous savons immédiatement que notre plan soigneusement calculé est à l’eau. Le tour du Huayhuash est foutu : merci KLM ! La compagnie n’y peut probablement pas grand chose car elle a peu de prise sur les bourrins qui maltraitent les bagages dans les aéroports et que l’on peut observer sur les tarmacs. La perspective de passer deux jours à Lima ne ravit pas Jean. Il connaît déjà la grisaille et la pollution caractéristiques du lieu. En feuilletant les guides nous décidons de partir dès le lendemain matin pour Pisco et sa réserve marine, 200 km au Sud, et de tenter de survoler les lignes de Nazca pour meubler les deux jours qui nous permettront peut être de récupérer le sac de Jean. Dans la navette qui nous amène au centre ville, un Irlandais qui se retrouve également sans son sac, déclare "tomorrow I’m going to the naturist beach !" sur un ton de résignation ironique qui témoigne d'un recul appréciable.

 

Mardi 4/7 : Lima - Pisco

Après un réveil à 4h (décalage oblige) nous partons prendre le bus de Pisco à 8h. Sur la route Panaméricaine nous longeons une côte complètement désertique jusqu’à quelques kilomètres avant l’arrivée. Elle est enlaidie par le temps gris qui sévit parait-il quasiment en permanence dans toute la région de Lima. Sur tout le parcours des slogans pour la réélection de Fujimori sont peints sur les murs, laissant peu de place à ses opposants. Vers Pisco la verdure et le soleil refont leur apparition avec une influence positive sur l’humeur des troupes.

Après 4h de bus nous arrivons sur la jolie place centrale de Pisco, appelée Place D’armes comme dans toutes les villes du Pérou. Nous visitons une église jésuite (1689 - 1729) dans son jus, avec de belles sculptures en bois polychrome. La réserve marine située 15 km plus au sud est l’attraction de la ville. Des rabatteurs se précipitent pour nous vendre une sortie en bateau pour aller voir des phoques le lendemain matin. Comme les survols des lignes de Nazca ont lieu également le matin, il nous faut choisir. Nous optons pour les phoques en confirmant ainsi le choix nature contre culture qui a prédominé pendant nos préparatifs ! Nous faisons une petite balade dans la presqu’île de Paracas l’après midi. Il n’y a pas grand chose à voir mais cela donne une idée de la côte désertique plongeant dans les eaux froides du Pacifique. Il y aurait des flamands rose dans une baie plus au sud.

L’impression marquante de cette première journée est une pauvreté assez grande. Dans ce contexte les cafés internet du centre ville sont un peu surprenants.

Dans le quartier central, très animé, sont concentrés une dizaine de restaurants destinés principalement aux touristes. Je profite de la proximité de la mer pour goûter au ceviche, spécialité nationale de poisson cru légèrement cuit au citron vert, pimenté et recouvert d’oignons : excellent !

 

Mercredi 5/7 : Pisco - Iles Ballestas - Lima - Huaraz

Dès le matin la horde des touristes dont nous faisons partie est répartie par paquets de 15 sur des vedettes rapides pour rejoindre les Iles Ballestas 20 km au large. L’ambiance est assez austère parce qu’il fait un peu gris, mais cela vaut le déplacement. Des tas de lions de mer se prélassent sur les rochers que les barques approchent d’assez près. Leurs cris résonnent dans les grottes marines dans lesquelles nous nous avançons. Certains suivent le bateau en jouant. Il y a aussi beaucoup d’oiseaux et nous apercevons deux petits pingouins. Après cette tranche de nature ambiance "les animaux du monde" nous rejoignons Pisco.

Après toutes ces émotions océanes nous attaquons chacun un demi poulet "con patatas fritas". Hélas les frites n’ont été cuites qu’une seule fois dans une vieille huile trop froide, et s’en sont imbibées. Comme nous les délaissons sur le bord de l’assiette, trois jeunes cireurs de chaussures qui passent sur le trottoir nous demandent par signes s’ils peuvent finir notre repas. Après notre approbation ils se jettent sur la nourriture et l’engloutissent avidement avant de s’enfuir en courant avec les carcasses des poulets. Ils ne doivent pas manger à leur faim tous les jours et notre réticence devant ce plat raté doit leur paraître étrange.

De retour à Lima je vais visiter le musée de l’or pendant que Jean part à la recherche de son sac. J’y découvre la sophistication des civilisations pré-colombienne parfois très anciennes que j’ignorais complètement, comme les Paracas, les Moches, les Chavins. Je suis impressionné par les habits recouverts de plumes d’oiseaux de paradis, par les momies, et par les parures complètes aux boucles d’oreilles géantes trouvées dans des tombes. Les vitrines débordent d’objets en or. Les peuples précolombiens trouvaient ce métal pratique. Les bijoux ont une esthétique très actuelle. La présentation du musée est vieillotte et il n’y a quasiment aucune indication. Heureusement je profite in extremis des explications en français d’un guide péruvien pour un groupe organisé. Même si il n’y a pas énormément à dire - ces peuples ne connaissaient pas l’écriture - le guide me permet de comprendre pas mal de choses que j'avais ratées, notamment le rôle des objets rituels comme les couteaux à trépaner. Il y a beaucoup plus d’or des civilisations qui ont précédé les Incas, car les objets incas ont été subtilisés et fondus pendant la conquête espagnole. Cependant il me semble que les objets incas ne sont que des évolutions des objets beaucoup plus anciens, relativement peu sophistiqués pour des objets du 16ième siècle. Pourquoi les Incas sont-ils devenus le peuple symbole du Pérou, comme les Gaulois en France ? Parce qu’ils furent de grands bâtisseurs ? Peut être aussi parce que c’est le peuple martyrisé par la puissance coloniale. Une grande violence émane de certaines vitrines : momies d’enfants sacrifiés, têtes d’ennemis séchées au soleil et portées en trophées à la ceinture, etc. Ceci me repousse un peu même si les objets exposés sont très beaux.

Je rejoins l’hôtel en passant de la Place d’Armes à la place à la place San Martin par une rue piétonne très animée qui semble un des endroits les plus vivants de la ville. On se croirait sur le Boulevard Saint Michel à Paris: fripes américaines, fast foods, filles en jeans. Je n’ai encore jamais visité un pays où les gens parlent si peu anglais. Peut être un calcul politique pour se prémunir de l’influence américaine ? Ce n’est probablement pas un cadeau pour le peuple. Heureusement Jean fait des merveilles en espagnol en potassant le dictionnaire et le Berlitz le soir.

J’attends Jean à l’hôtel en refusant d’examiner à fond la possibilité qu’il revienne sans son sac. Je préfère ne pas me lancer dans des échafaudages d’hypothèses désagréables. Heureusement Jean surgit avec son précieux sac. Comme souvent dans les aéroports il a du pousser un coup de gueule pour obtenir ce à quoi il avait droit : les 50 USD de dédommagement par jour et par personne promis il y a deux jours. Ce n’est pas plaisant de râler quand on est pas un méchant mais les compagnies aériennes ne laissent parfois pas le choix.

Dans la soirée nous nous rendons au terminal de bus de la compagnie "14" où nous gardons un œil attentif sur notre montagne de bagages, car c’est un endroit censé attirer les voleurs. Quand la personne qui surveille la soute du bus nous donne un reçu par bagage et nous déclare que tout est "seguro" nous nous installons dans notre siège inclinable qui sera notre lit de Procuste pendant les 8h de trajet jusqu’à Huaraz.

 

Jeudi 6/7 : Randonnée au Lac Churup

Nous arrivons à Huaraz à 6h. Nous sommes ici dans la capitale de l’alpinisme au Pérou, située à 3000m d’altitude, au pied de la Cordillère Blanche. Il y a environ 70 000 habitants dans la ville. Dès la descente du bus Jean tombe nez à nez avec la patronne de l’hôtel ou il avait séjourné l’année dernière. Jean est ici chez lui !

J’aperçois une indienne habillée de façon traditionnelle pour la première fois depuis le départ. La satisfaction que j'éprouve est un peu "benête" : le costume de cette indienne n’est pas une surprise car j’en avais vu de semblables sur des photos. Je suis simplement satisfait d’avoir trouvé dans le réel un des clichés attendus. Il faudrait que je sois content d’être enfin dans l’endroit où je pourrai en savoir davantage sur les indiens, au delà des clichés !

Après un bon petit déjeuner nous partons pour une randonnée classique au Lac Churup. Un minibus taxi collectif (collectivo), trouvé avec quelques difficultés, nous approche du point de départ théorique. Dans les villages traversés sur la piste en terre défoncée nous voyons plein d’indiennes habillées de façons très colorées, portant des jupes gonflées par des couches de jupons, des collants, de grands chapeaux assez variés posés sur de longues nattes. Elles portent leurs charges, marchandises ou enfants, dans un rectangle de tissu qui semble noué négligemment. Les indiens cultivent la terre sans moyens mécaniques, dans des champs souvent pentus. Ils habitent des maisons en briques de terre séchée. Ils parlent plutôt Quechua qu’Espagnol.

Le minibus nous lâche plus bas que prévu vers 3300m, et il nous reste 1100m à monter pour rejoindre le lac. Le soleil tape fort et l’altitude se fait sentir. Nous rebroussons chemin à 100m sous le lac, bien essoufflés : il est 15 h et nous avons encore beaucoup de choses à faire ce soir. Pour rentrer nous profitons d’un mini bus loué par un groupe d’alpinistes de Hong Kong après une longue discussion avec le chauffeur. Nous réalisons bientôt que le chauffeur hésitait à nous prendre pour ne pas endommager son véhicule sur la piste défoncée.

L'avenue centrale de Huaraz, bordée d'arcades ou sont concentrés
de nombreux
commerces et restaurants. Au fond, le Copa (6188m)

De retour en ville, nous fonçons à la Maison des Guides pour nous renseigner sur les conditions en haute montagne, très variables d’une année sur l’autre, et trouver un itinéraire de randonnée pour les prochains jours. Jean retrouve le responsable. Il nous conseille, en français, deux 6000 qui sont en bonnes conditions, le Chopicalqui et le Tocllaraju, et nous déconseille le Copa. Comme nous savons que ces sommets comportent des pentes raides, il parle de 60-70°, notre pressentiment initial se confirme : nous serons plus tranquilles avec un guide ! Nous ne sommes pas habitués à l’altitude et vis à vis de nos familles nous pensons ne pas avoir le droit de prendre des risques que justifierait la fierté de faire le sommet en autonomie complète. J’avais envoyé un fax, la veille du départ, indiquant que nous envisagions de louer les services d’un guide à la fin de notre séjour. Le responsable a désigné José Calonge pour s'occuper de nous. Il est justement là et on nous laisse nous débrouiller avec lui. José ne parle pas un mot d’anglais ni de français, et les talents de Jean en espagnol sont mis à rude épreuve. Pas facile de choisir un sommet et une randonnée de trois jours dans un massif inconnu, en 30 mn, en parlant petit nègre ! Pour José le Chopicalqui et le Tocllaraju sont beaux tous les deux. Le Chopicalqui peut demander un jour de plus à cause des transports. Comme un ami avait gardé un souvenir ému du Chopicalqui nous optons à priori pour ce sommet. Nous signons un "contrat de travail" de cinq jours à 70 USD chacun et laissons 50% d’acompte. José essaye de nous faire payer 80 USD par jour, contrairement à ce qui était annoncé par le responsable, ce qui est de mauvais augure. Ensuite José nous indique que nous aurons probablement besoin d’un porteur à 25 USD par jour jusqu’au camp d’altitude. Nous pourrons l’embaucher juste avant le départ.

En ce qui concerne notre randonnée d’acclimatation le responsable du bureau nous propose de remonter la Quebrada (vallée) Quilcayhuanca, de traverser entre le Huapi (5421m) et le Choco (5258m) le plus près possible du Choco (un peu de neige et pas de sentier dans cette section), et de redescendre la Quebrada Cojup : "Les montagnes sont très belles, c’est très sauvage, vous serez seuls." Il avait bien compris nos motivations. Cependant nous choisissons le parcours proposé par José car nous nous méfions du col non tracé, nous voulons voir les sommets les plus haut de la chaîne, et nous préférons éviter de retourner dans le secteur du lac Churup qui ne nous avait pas particulièrement séduits.

Nous allons dîner Chez Patrick, supposé être un des meilleurs restaurants de la ville, et engloutissons une côte de porc accompagnée de spaghettis. Pour le moment Huaraz se concentre sur son domaine d’excellence ; la montagne. La gastronomie viendra peut être plus tard.

Nous tombons de sommeil mais il nous faut quand même préparer les sacs pour le lendemain matin et emballer le matériel qui restera ici.

 

Vendredi 7/7 : Randonnée au Lac Yanayacu (4400m)

Réveil à 6h pour prendre le bus à 7h. Belles vues sur le Huascaran, le Chopicalqui et le Ulta en remontant la Quebrada Ulta. Dommage que l’on ne puisse pas arrêter le bus pour photographier. Je me dis qu’il ne faudrait pas tomber dans le travers des photographes convulsifs qui ne peuvent apprécier une scène qu’à travers l’objectif : il faut chercher à être (s’imprégner du paysage) plutôt qu’à avoir (posséder le bout de celluloïd impressionné par les photons). Ceci dit la grande arrête qui plonge du Chopicalqui jusqu’en bas à quand même de la gueule et j’aurais bien aimé vous la montrer !

Le bus nous largue vers 3800 m avant de poursuivre jusqu’à un petit tunnel situé à 4800 m qui lui permet de replonger de l’autre côté. Nous nous retrouvons seuls tout à coup, un peu perdus au milieu des montagnes. Il fait très frais. Des belles fleurs exotiques égayent le paysage un peu austère. Nous soufflons épais pour monter au lac Yanayacu. Belle vue sur l’Ulta alors que le Chopicalqui et le Contrahierbas sont bouchés par des cumulus. Rien de méchant à priori.

Le bus nous lâche au pied de l'Ulta (5875m)

La soirée est glaciale. Nous enfilons tous nos vêtements polaires et nos salopettes et vestes Goretex en nous demandant comment nous allons faire à 6000m. C’est l’hiver andin, saison sèche réputée idéale pour aller en montagne. Jean avait eu beaucoup moins froid en octobre.

La face nord de l'Ulta

 

Samedi 8/7 : Lac Yanayacu (4400m) - Col Yanayacu (4850m) - Yanama (3600m) - Camp de base du Pisco (4000m)

La tente est couverte d’une épaisse couche de givre mais le froid est vite oublié devant le magnifique lever de soleil sur un sommet que nous supposons être le Chopicalqui.

Le Chopicalqui (6354m) vu du Lac Yanayacu

Arrivés au pied du col je propose à Jean de rejoindre un petit sommet en face du col car l’endroit semble prometteur pour la vue. Nous ne sommes pas déçus.

Quand nous reprenons la montée vers le col nous sommes un peu à la limite, sans piolet sur la pente de neige assez raide (40°). J’ai des chaussures plus souples que celles de Jean et je tape très fort des pieds pour faire de petites marches. J’ai un caillou pointu dans la main ; outil dérisoire pour enrayer une glissade éventuelle. Bref, nous sommes comme deux "monchus" sous équipés car José nous avait dit que cela passait sans problèmes. Heureusement l’autre côté du col est déneigé. Le sentier est assez vertigineux. Il a été taillé à la dynamite dans une face raide pour faire passer les mules.

Le Huascaran Sud (6768m), point culminant du Pérou, et le Chopicalqui, vus du col Yanayacu

Le Contrahierbas (6036m), du col Yanayacu

Nous descendons rapidement sur la route à un ou deux kilomètres de Yanama. Là, nous attendons un bus ou un collectivo pendant 3h. Finalement un pick-up consent à nous prendre dans sa benne et nous conduit à toute allure au col Llanganuco à la tombée de la nuit. Magnifique coucher de soleil sur les sommets.

De gauche à droite: Le Huascaran Sud (6768m), le col de la Garganta (6000m) et le Huascaran Nord (6655 m).
La voie normale démarre de l'autre coté et débouche au col.

La vallée Llanganuco est très profonde. Elle a du être taillée par un glacier titanesque. Le truck nous largue au camp de base du Pisco à 4000 m, heureux de nous être extraits du paysage un peu commun de Yanama, dans un lieu prometteur pour le lendemain.

 

Dimanche 9/7 : Camp de base du Pisco (4000m) - Lac 69 - Petite butte (5000m) - Huaraz

La montée au lac 69 permet d’admirer la magnifique face sud du Chacraju et ses ice flutes, petits crêts de neige plaqués en face raide qui ne se forment que dans les régions tropicales. Le Chacraju est un des 6000 les plus difficiles des Andes. Le sommet était réputé impossible quand Lionel Terray et son équipe ont fait la première du sommet ouest par la face nord et l’arête NE en 1956. Terray est revenu gravir la face sud en 1962. Un accompagnateur en montagne péruvien nous a dit que le sommet a encore mauvaise réputation ("les dents de la mort").

En montant nous croisons un américain qui nous déconseille de dormir au lac car il a eu très froid. Je lui dis que nous faisons juste une balade de la journée.
Réponse un peu étonnée : "You’ve got big packs for a day hike !?"
Explication : "It’s just for training"
Il repart en nous prenant pour des fous. J’avais tout de même caché la tente en bas, dans un bosquet, pour m’alléger un peu.

Le lac 69 est d’un bleu intense, étonnant, magnifique. Nous franchissons une moraine très raide, non tracée, 100 m au dessus du lac, puis nous posons les sacs pour gravir quelques centaines de mètres supplémentaires pour approcher de la cote 5000 m et gagner ainsi en vue et en globules rouges. Je prends une suite de photos en panorama du Pisco au Chopicalqui en passant par le Chacraraju.

La formidable face sud du Chacraraju (6112m), un des sommets les plus difficiles des Andes

La voie normale du Chopicalqui remonte la longue arête qui se découpe dans le ciel.

Nous descendons rapidement et avons la chance de tomber sur un collectivo dès notre arrivée au camp de base du Pisco, à 14h. La route en terre n’est pas très roulante. A un barrage nous devons payer aux gardes 85 sols (170F) de droit d’entrée par personne dans le parc du Huascaran, valable sept jours. A Yungay, dans la vallée, nous changeons de collectivo et rejoignons Huaraz. Le parcours routier est tout de même assez long (plus de 2 heures en tout).

Nous retournons dîner Chez Patrick. Comme nous entendons parler montagne à une extrémité de la salle à manger je m’approche pour voir. Il s’agit des éclats de voix de Paul qui est tout content de communiquer les émotions de son ascension du Huascaran. Nous le rejoignons à sa table et il partage, avec nous et un grimpeur basque, une bouteille d’un bon vin rouge péruvien. Paul qui a une cinquantaine d’années vient de Belgique. Il en est à son troisième séjour au Pérou et à sa troisième tentative du Huascaran. Cette année il y a un seul passage difficile : un mur de glace vertical de six mètres dû à l’écroulement d’un pont de neige dans une crevasse. Le guide de Paul, Claudio, est passé en vissant quatre broches auxquelles il a fixé des sangles pour que Paul puisse se tracter. Il paraît que cette difficulté arrête 80 % des cordées, pourcentage mesuré par rapport au nombre de tentes situées au camp 2, au col à 6000 m. Il y a également un passage exposé aux chutes de séracs. Le guide de Paul l’a fait courir pendant 500 mètres sur la partie la plus dangereuse. Paul nous confirme que le Chopicalqui et le Tocllaraju sont de très beaux sommets. Il a eu très froid au Chopicalqui et son ami suisse s’est gelé gravement les deux pieds.

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