Le Mont Blanc sous le soleil des tropiques(4/4)

Un Américain à Passy

Août 2003

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Jeudi : à la découverte des indigènes

Visite d'Alby sur Chéran et Viuz la Chiesaz, deux villages fleurons de la Haute Savoie ! Erik est impressionné par les monuments aux morts. Virée à Annecy après l'Osso Bucco de la mama. On découvre qu'ils ne connaissent pas la gentiane dans le Colorado ! Retour à Passy vers minuit.

Vendredi : Aiguille du Peigne, Le Maillon Manquant
ED-, 400m, 6b+, 6a obligatoire

Le réveil à 6h30 pour faire les sacs est un peu duraille. L'objectif est le Maillon Manquant en face Ouest du Peigne. Une voie que Michel Piola et ses compagnons ont peaufinée pendant 4 jours, pour notre plus grand bonheur. Bruno nous la recommande chaudement. Pour moi c'est une deuxième tentative, car il y a dix ans le premier essai avec Jean-Marie avait échoué sous la pluie au bout de quatre longueurs.

Le névé d'approche est bien raide, avec une partie sommitale fine et trop décollée de la paroi à mon goût. Comme il n'est pas très tôt et que le téléphérique n'est pas loin, il y a déjà 10 sacs agrippés au rocher et trois cordées dans le Maillon, au-dessus de nos têtes. Les autres cordées sont dans la Vaucher. Pas terrible pour les chutes de pierres, mais le rocher est solide et la fréquentation a purgé les lieux.

Encore un numéro d'équilibriste pour enfiler les chaussons. L'ombre et le rocher sombre contribuent aussi à l'ambiance un peu austère du départ. Comme il a pigé qu'on allait bouffer de la fissure Erik s'enveloppe les mains de bandes autocollantes pour se protéger, comme à la maison.

Après 4 longueurs en dalles pas trop raides, la tête va mieux parce que le soleil a fait son apparition et qu'on voit moins de monde au-dessus. La paroi se redresse sérieusement et l'escalade se corse ! Erik est très à l'aise dans la longueur de 6b+. Bien droit, en verrou de pieds et de mains (merci les bandes), il place ses coinceurs pépère. En tant que frenchy moyen peu habitué aux fissures je passe comme une charrette, en m'épuisant penché en Dülfer.

Encore une longueur en dièdre et voici une belle plate-forme. Il faut maintenant faire un choix. Nous n'avons gravi que 8 longueurs sur 13. Il reste deux longueurs de 6a pour sortir du grand dièdre et atteindre une petite tour qui pourrait donner plus de sens à cette équipée. D'un autre côté l'orage menace sur l'Aiguille du Goûter et pourrait nous tomber dessus en moins d'une heure. De plus le téléphérique ferme dans deux heures et la perspective de descendre à pinces n'est pas rigolote. Comme dirait Gaston ; "extraordinaire et merveilleux examen dans le secret de son cœur où la prudence risque parfois de n'être qu'un aspect de la lâcheté, et l'entêtement à poursuivre qu'une stupide et dangereuse déformation de la volonté". Nous optons pour la lâcheté et les rappels parce que nous avons déjà engrangé de belles longueurs depuis le début de la semaine.

La corde se coince dans le denier rappel. Erik remonte 15m en grosses pour la libérer. Je suis en train de lover la corde sur le névé bien raide quand il prend pied sur la neige. Il trébuche et je vois arriver dans ma direction 24 pointes de crampon bien aiguisées. Heureusement Erik retombe sur ses pieds par une pirouette très réussie. Sueur froide.

"Quel foisonnement de pics, d'aiguilles, de monts, et pour chacun d'eux combien d'arêtes, de piliers, d'éperons, de parois !"	Dans le Maillon Manquant
1ère longueur de 6b+	Beau dièdre en 6a
Dans combien de temps l'orage arrivera-t-il?	Des bandes bien utiles pour les verrous

Samedi: Clocher-Clochetons, sur les traces des ancêtres illustres

Cette voie ouverte en 1913 au Clocher de Planpraz dans les Aiguilles Rouges est la première des "Cent Plus Belles Courses" de Rébuffat. Pour nous détendre un peu nous partons faire une séance de photos à la Gaston. Belle vue sur le Mont Blanc et bonne rigolade : jeté de corde, tyrolienne, cheminée sur vieux clous, sans oublier bien sûr de lover notre corde avec majesté debout sur un clocheton face au Mont Blanc. Aux Etats-Unis aussi Gaston a marqué les esprits avec ses livres, toujours d'actualité, prônant une fusion quasi mystique, sans concessions, avec "le jardin féerique" qu'est la montagne : "Bien grimper, gravir des sommets, mais en même temps, peu à peu, se sentir à l'unisson de l'altitude. Respirer comme la neige, le rocher, les nuages, les vents. … l'ascension n'a jamais été besogneuse, mais légère et inspirée, comme une belle trajectoire. Le vrai plaisir, à la fois élégant et solide c'est de grimper dans un monde où l'on est accordé."

Après les cimes, retour à la société de consommation. Les magasins de Chamonix débordants de matos de montagne dernier cri sont dangereusement tentants. J'y complète ma panoplie avant de retourner dans ma plaine toulousaine mal achalandée. Pour finir les emplettes un petit tour au sympathique Salon du Livre de Montagne à Passy permet de refaire des provisions de récits épiques.

Dimanche : retour

Erik est enchanté. Il reviendra au pays des fromages qui puent, c'est sûr. Peut être dans un endroit plus sauvage, comme le Parc des Ecrins. Il a déjà acheté les topos…