Par MONTS
|
||
et par VAUX |
Août 2003
Lundi : Descente au refuge des Cosmiques en rappel !
Bruno quitte son appartement bien tôt. Notre mise en train est plus laborieuse. D'après les précieux renseignements de l'Office de Haute Montagne, le Pilier Gervasutti "se fait". Comme j'y pense depuis des années nous préparons les sacs en conséquence et prenons la direction de l'Aiguille du Midi. Le téléphérique est quand même plus pratique que la Ryan !
Au sommet impossible de prendre pied sur l'arête de neige pour cause de travaux ! Comme elle menace de s'écrouler, on lui refait une beauté à coups de tronçonneuse.
Une première solution consiste à continuer en téléphérique
jusqu'à Hellbroner et revenir aux Cosmiques par une longue traversée
en neige humide probablement fastidieuse. Nous optons pour la descente de
la face sud de l'Aiguille du Midi en 5 rappels. Nous y croisons trois aspirants
guides et leur instructeur de l'ENSA en train de faire des manoeuvres de secours.
L'exiguïté des relais crée des liens.
Au refuge l'ambiance est bien différente de l'Envers. La plupart des
gens sont guidés et vont réaliser des prouesses sur la voie
normale du Tacul ou la traversée du Mont Blanc. Devant de tels enjeux
ils prennent un air grave et se jettent égoïstement sur la bouffe
pour mettre toutes les chances de leur côté. Heureusement deux
de nos voisins de table sont des Italiens sympas qui redescendent de l'arête
de l'Innominata au Mont Blanc. Ils sont tout contents d'avoir survécu
aux chutes de pierres continuelles et trinquent avec nous
Mardi: balade vers Tour Ronde, repérage, acclimatation
Départ "tardif" vers 7 h. La nuit à 3600 m était facultative mais elle a permis de faire des globules rouges qui seront utiles pour prendre de l'altitude. Notre premier objectif est d'observer le pilier Gervasutti qu'ont justement choisi de gravir les stagiaires de l'ENSA. Quand nous arrivons au pied du pilier ils approchent de la première tour. Une autre cordée bien attardée attaque la deuxième longueur. Les chutes de pierres sont continuelles de part et d'autres du pilier, mais il semble bien abrité. Le mixte au sommet s'est mué en éboulis. La glace du Super Couloir est devenue ruisseau de pierres.
Soudain un bloc gros comme un autobus descend juste à droite du pilier
et explose vers la première longueur. Au milieu de l'énorme
nuage de fumée nous apercevons avec soulagement les grimpeurs de la
dernière cordée qui ont dû voir leur dernière heure
arriver. Erik me regarde d'un air consterné. En un instant nous avons
compris qu'il fallait renoncer :
"Cela ne vaut pas la peine"
"Yes, I'm a father of two".
Il va falloir oublier les rêves de grandes courses mais "il y a
tant d'aurores qui n'ont pas encore lui".
Nous poursuivons jusque vers Tour Ronde ; un belvédère tentant. La voie normale fait la gueule, alors que je me souviens d'une promenade de santé sur la neige de printemps. Nous nous contentons d'un petit pic sur l'arête frontière pour jeter un il au cirque de la Brenva : "Tu vas voir Erik ici c'est l'Himalaya." Déception : "nothing to write home about". Avec ces conditions dantesques même ce coin magique a perdu de son attrait.
Pendant le retour aux Cosmiques j'examine les possibilités pour le lendemain. La voie des Suisses au Grand Capucin pourrait constituer une superbe alternative, mais l'approche par le couloir des Aiguillettes est vraiment moche. Une voie moderne dans les contreforts du Tacul ou à l'Aiguille du Midi ? Cela ne nous changerait pas tellement de l'Envers et ne valoriserait pas notre acclimatation chèrement payée en temps (et en argent, parce que les Cosmiques c'est pas donné) !
Finalement je lance à Erik : "Que dirais-tu de faire le Mont Blanc en aller retour ? C'est de la marche mais c'est joli. Comme il faut chaud nous ne serons pas handicapés par les chaussures de trekking (que nous avions choisies pour nous alléger dans le Gervasutti)". Deal !
Au refuge l'instructeur de l'ENSA confirme que l'escalade du pilier est dangereuse. Soirée sympa avec un grimpeur japonais qui s'éclate à la pointe Lachenal.
![]() |
![]() |
Le refuge des Cosmiques
|
Départ pour Tour Ronde
|
![]() |
![]() |
Pilier Gervasutti : un bloc de la taille d'un bus
vient de s'écraser vers l'attaque. Dans la deuxième longueur
une cordée tremble.
|
Le Grand Capucin : magnifique monolithe sur fond
de Mont Blanc
|
Mercredi : Les 3 Mont Blancs en aller-retour
A minuit les monchus les plus excités se préparent pour être les premiers dans les séracs. Nous respectons le réveil officiel de 1h et partons les derniers, peu tentés par la course du rat.
Un gentil équipeur a installé une corde fixe dans les séracs, pour éviter un passage exposé aux chutes de glace. Il s'agit de grimper sur 8 mètres de verticale en s'aidant des nuds et en plantant les crampons. Ce n'est pas sorcier mais il y en a qui prennent leur temps. Nous attendons une heure sous les gouttelettes d'un sérac fondant, entre 3h et 4h du matin, que nos prédécesseurs matinaux veuillent bien se hisser. Ensuite on peut marcher à son rythme jusqu'au deuxième engorgement, moins important, sur la deuxième corde fixe qui permet d'atteindre l'épaule du Mont Maudit. Le jour se lève sur l'épaule et la lumière devient magique. Après le col de la Brenva, le Mur de la Côte permet de franchir les Rochers Rouges sur les traces de Balmat en 1786. En face, une grande procession s'échelonne sur l'arête des Bosses. Pour éviter de souffrir de l'altitude, je me dis qu'on est juste 400m en dessous du camp 1 du Tocllaraju : la tête c'est le plus important pour bien fonctionner !
Nous arrivons au sommet à 8h15, après 5h de montée depuis le col du midi si on fait abstraction de la halte forcée. Nous avions mis 6h en 1988, en partant d'Annecy le matin. Grand beau. La température de -5°C n'est pas désagréable en cette période de canicule. La vue est bien dégagée. La pyramide du Cervin et la grande masse du Mont Rose nous saluent. Dans la Vanoise, la face nord de la Grande Casse paraît toute petite ! Les Préalpes d'Annecy forment de vagues ondulations vertes qui retiennent à peine l'attention. Là bas, se trouve quelqu'un qui aimerait bien être là. Coup de fil émouvant.
La vue à 360° depuis le sommet est accessible depuis la page panoramas.
Il ne reste plus qu'à revenir par le même chemin, avec le sentiment d'avoir fait une belle balade dans un autre monde. Les 2100m de dénivelée positive se font sentir dans les mollets lors de la remontée sur l'arête de l'Aiguille du Midi.
![]() |
![]() |
Le Mont Blanc du Tacul
|
Embouteillage sur la corde fixe de l'épaule
du Mont Maudit
|
![]() |
![]() |
Premiers rayons sur le Mont Blanc de Courmayeur
(à gauche)
|
L'arête des Bosses
|
![]() |
![]() |
Col de la Brenva
|
Sommet du Mont Blanc : une cordée arrive
par l'arête des Bosses
|
![]() |
![]() |
Sommet du Mont Blanc : une cordée arrive
par les 3 monts blancs
|
Cheese !
|
![]() |
![]() |
Vue sur le Mont Maudit dans la descente
|
La trace du Maudit vue du Tacul
|
![]() |
![]() |
En descendant du Tacul, vue sur le refuge des Cosmiques
et l'Aiguille du Midi
|
Une cordée monte au Tacul
|
![]() |
![]() |
Corde à noeud
|
Dans les séracs du Tacul
|