Le Mont Blanc sous le soleil des tropiques(1/4)

Un Américain à Passy

Août 2003

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Nous étions prévenus, avec la canicule la montagne n'était pas en condition et il valait mieux aller à la plage.

Effectivement nous trouvons un massif défiguré par le manque de neige. Les couloirs sont transformés en éboulis grisâtres. De grandes parois s'écroulent : la face Ouest des Drus est encore un peu descendue et une section de l'éperon Walker aux Grandes Jorasses fait maintenant partie de l'histoire. La voie normale du Mont Blanc est fortement déconseillée : les pierres tuent sur la montée au refuge du Goûter.

Voilà une semaine de vacances qui s'annonce bien ! Quand au printemps Erik avait réservé son vol pour venir du Colorado, et avait investi une de ses trois semaines de congés, nous redoutions plutôt la pluie dans cette contrée arrosée.

Il faut donc faire au mieux pour qu'Erik ne soit pas déçu du voyage. Il ne le sera pas car nous allons enchaîner quatre belles voies en rocher et une balade au sommet du Mont Blanc.

Vendredi 1er Août: de l'aéroport de Genève au refuge de l'Envers des Aiguilles

Arrivées Internationales : Erik débarque de ses Rocheuses avec deux énormes charges de 30 kg, dont son sac de hissage du Yosemite qui fait très expé lointaine. Manifestement il arrive en terre exotique. Dans l'avion, pour se mettre en condition, il a lu l'autobiographie de Gary Hemming, un compatriote qui s'était pas mal débrouillé sur la protogine chamoniarde : ouverture de la Directe Américaine aux Drus en 1962 et de la face Sud du Fou en 1963 ! En tout cas Erik place d'emblée ces vacances sous le signe d'une émulation franco-américaine saine et cordiale, peut être pour conjurer la dérive unilatérale et brutale du rejeton Bush.

Même si Erik n'a pas fermé l'œil pendant le trajet autant entrer dans le vif du sujet pour combattre le décalage horaire. Je propose de commencer par une voie moderne pour prendre contact avec le rocher. Les spits risquent de le choquer en tant qu'adepte du "clean climbing" mais tant pis : "in Rome do as the Roman do".

En montant à l'Envers la traversée des Drus fait rêver. Mais il paraît que le glacier de la Charpoua est un gros chantier et qu'il y a des séracs qui tombent très bas.

Au refuge l'ambiance est toujours aussi bonne. Soirée sympa entre un couple d'anglais et deux danois trapus. Erik tient bien le choc.

Montée à l'Envers, au dessus de la Mer de Glace	L'Aiguille Verte, les Drus et le glacier de la Charpoua

Samedi : Tour Rouge, Le Marchand de Sable
TD+, 300m, 6a+, 6a obligatoire

Cela faisait longtemps que je rêvais de grimper cette voie, considérée comme un des chefs-d'oeuvre de Michel Piola, le grand animateur de ces lieux. Nous voici donc partis vers la Tour Rouge crampons aux pieds. En fondant le névé du départ a laissé la place à quelques pas d'escalade non triviaux avec un premier spit maintenant très haut perché. Mais que fait le gouvernement ? Le ministre des sports n'a pas réagi et nous fait prendre des risques considérables. Une grosse pavasse venant de haut s'écrase sur le névé 30 mètres derrière nous et me tire de mes rêveries.

Les longueurs s'enchaînent, magnifiques. Erik prétend qu'il n'a pas encore récupéré tous ses moyens mais je le trouve toujours bien à l'aise. Etant un peu juste dans ces longueurs raides, je dois me faire violence, mais je suis content de pouvoir grimper en réversible. L'entrainement en salle d'escalade paye !

Vers le haut, nous voyons un guide arriver en courant. Avec ses deux clients, ils sont partis de Chamonix ce matin. Il tire sur tous les spits parce qu'il n'est pas là pour s'amuser mais pour manger. Le métier est difficile dans le Colorado aussi : "a mountain guide feeds a family of four on a small pizza".

Jubilation au sommet.

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