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A Ski sur les Glaciers Valaisans (2/2)

Vent du sud et poudre à canon

Avril 2000



J5 : Retraite sous les obus par le Glacier de Ferpècle

Encore du mauvais temps ce matin. Il nous faut renoncer à la Cabane du Mountet. Nous plions bagage lors d'une éclaircie, mais nous nous arrêtons quelques minutes plus tard, pris dans un nuage, sans aucun repère. Nous commençons à remonter à la cabane quand une deuxième éclaircie survient. Elle sera la bonne.

La vallée de Ferpècle finit par apparaître : vite en bas !

Mais où sont les crevasses? Telle est la question que l'on se pose…

Le temps s'améliore en bas du glacier de Ferpècle mais d'autres tourments nous attendent.

Pendant la descente de fortes détonations retentissaient dans la vallée. Nous en avions déjà entendues à l'aiguille de la Tsa et avions imaginé des tirs de mines pour des travaux de protection contre les avalanches. Elles avaient durement frappé Evolène récemment.

En fait il s'agit de militaires qui tirent sans discontinuer des obus sur une moraine jouxtant la langue du glacier de Ferpècle (point coté 2173 m), depuis un poste situé quelques kilomètres plus bas à l'extrémité de la route. N'en croyant pas nos oreilles nous examinons la magnifique carte d'état major à la recherche d'une indication de zone de tir. Recherche infructueuse. La ligne de tir survole quasiment le chemin. Bien visibles sur la langue du glacier, nous espérons que nos vêtements rouges sur fond blanc vont ralentir l'ardeur des tireurs. Exposition infructueuse. Ils ont peut être une revanche à prendre sur cette moraine ou un stock de munitions à écouler avant de rejoindre leurs pénates. Nous nous résolvons à longer la moraine, en sursautant à chaque explosion, les tympans secoués par le souffle. La régularité et la précision des impacts nous rassurent sur la sobriété et l'application des tireurs. Nous les rencontrons trois quart d'heure de marche plus tard. Ils sont en costume de grand apparat, couvert d'un casque lourd. Certains ont le torse barré par une imposante mitraillette. Ils nous saluent un peu crispés, rassurés d'avoir pu tenir la cadence de tir assignée malgré les fauteurs de désordres que nous sommes.



Un obus vient d'exploser sur la moraine. Pourtant nous avons payé le refuge. Les volutes
de fumée noire semblent plus éloignées qu'en réalité avec un objectif grand angle...

Les artilleurs sont postés sur la route au fond de la vallée

Après une petite marche sur la route et un coup d'auto stop Jean-Marie récupère la voiture qui nous permet de planter la tente à Randa, un peu en dessous de Zermatt.

J6 : Breithorn (4164 m) - Cabane du Mont Rose (2795 m)

Le premier train du matin nous lâche à la gare de Zermatt. Nous remontons skis sur le dos les rues bordées d'extravagantes boutiques de luxe pour arriver au départ des remontées. L'opération de contournement par l'asphalte a réussi, mais la méthode laisse à désirer. Nous aurions préféré descendre le glacier de Zmutt, au pied du Cervin, comme en 1990.

Le téléphérique du Klein Matterhorn est en travaux. Arrivés en haut des remontées mécaniques qui fonctionnent nous réalisons que le gentil guichetier ne nous a pas avertis de la possibilité de monter au sommet du téléphérique en dameuse. Cette prestation semble exclusivement réservée aux guides. Comme le temps n'est pas au grand beau, nous tentons notre chance grâce à la protection d'un sympathique guide genevois. Malgré la moue hésitante du conducteur à l'examen de notre billet, nous nous retrouvons propulsés en altitude après 30 mn de montée en chenillettes.

Le Breithorn vu des pistes de Zermatt, au fond le Mont Rose (le triangle de la Pointe Dufour se détache au milieu)

Sommet du Breithorn, au fond le Cervin et la Dent Blanche

Descente du Schwarxtor

Le vent s'est renforcé. Quand je rejoins Jean-Marie au sommet il doit souffler à 80 ou 100 km/h. De gros nuages sombres déboulent d'Italie, il ne faut pas traîner. Après une petite descente et une traversée horizontale au pas de course nous passons le col du Schwarxtor. Il n'y a pas de traces dans la descente, le glacier est raide et très crevassé. Jean-Marie se faufile avec grâce entre les difficultés du relief. Comme pour donner un peu de piquant supplémentaire la neige se transforme soudainement dans le bas de la pente, sur 30 cm d'épaisseur, en une infâme bouillie quasi liquide qui ne nous protège plus des inégalités du fond dur. Je n'ai jamais vu cela en 34 ans de ski et notre style, déjà peu orthodoxe à cause du poids des sacs, subit une nouvelle dégradation qui l'amène au degré zéro du virage : la conversion et le pas tournant !

Nous collons les peaux de phoque à nouveau pour remonter le Gornergletscher. Les nuages qui cachent le Lyskamm virent au gris sombre, l'orage menace. Nous nous encordons sous le refuge pour franchir les ponts de neige fragilisés par la tiédeur. Un groupe nous rejoint et profite de notre corde. Il est mené par un guide bernois qui félicite Jean-Marie pour sa trace et lui demande s'il est guide. Cette reconnaissance de la faculté déclenche une rougeur d'émotion chez mon compagnon.


Cabane du Mont Rose

Il y a pas mal de monde au refuge. Nous passons une bonne soirée dans une ambiance de taverne, en engloutissant le copieux repas servi par les sympathiques gardiennes. La prévision météo n'est pas très bonne. Même si il y a des nuages demain matin nous partirons à la Pointe Dufour en espérant une amélioration, bien décidés à parcourir l'arête sommitale où un vent glacial nous avait repoussés dix ans plus tôt.

J7 : Débâcle à Zermatt

Encore du mauvais temps. Il neige fort. La visibilité est nulle. Le Mont Rose n'a pas voulu que nous lui chatouillons les flancs, il faut donc nous résoudre à redescendre à Zermatt.

Avec la perte d'altitude les flocons se transforment vite en pluie. Nous devons remonter sur la crête du Gornergrat car le bas du Gornergletscher n'est pas en condition. Arrivé à la gare de Rotenboden Jean-Marie insiste pour que nous snobions l'infrastructure lourde du train à crémaillère au tarif scandaleusement élevé. Je râle mais il a raison. Nous descendons donc à ski dans la neige pourrie puis à pied dans une jolie forêt.


Montée au Gornergrat et descente sur Zermatt

Le bilan de ce séjour n'est pas complètement négatif : j'ai perdu trois ou quatre kilos et nous avons matière à méditer sur la façon dont les rêves se confrontent à la réalité. La montagne ce n'est pas seulement un sourire éclatant debout sur un sommet sur fond de ciel bleu…

Comme dirait Sylvester Stallone, et pour rester dans le ton de nos rencontres les plus martiales : "we'll be back".

François, mars 2001

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