Par MONTS
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et par VAUX |
GAP, 13 jan 2000 (AFP) - Le tribunal correctionnel de Gap a
condamné jeudi à deux ans de prison avec sursis et à 8.000 francs d'amende
Daniel Forté, le guide de haute-montagne qui dirigeait un groupe scolaire
en sortie raquettes, balayé le 23 janvier 1998 par une avalanche qui a fait
onze morts, sous la Crête du Lauzet, près des Orres (Hautes-Alpes).
Le tribunal qui rendait son jugement en délibéré a par ailleurs relaxé le
directeur du centre de vacances UCPA, Hervé Poudevigne, 51 ans, qui avait
organisé la sortie.
Les deux hommes étaient poursuivis pour "homicides involontaires".
Par ailleurs, Serge Wadel, professeur de culture physique, et Yves Jacques,
un accompagnateur en montagne, cités à comparaître par les parties civiles,
ont été également relaxés. Tous étaient présents pour le rendu du jugement.
"Une catastrophe s'ajoute à une autre catastrophe, les trois concepteurs
de la sortie sont relaxés", s'est ému Jean-Jacques Mengelle Touya, membre
de l'association des victimes de l'avalanche de la crête du Lauzet (AVAL 98),
dont un enfant a perdu la vie dans la catastrophe. "On va certainement
faire appel", a déclaré Me Denis Dreyfus, l'avocat de l'AVAL 98 et de
25 familles.
Lors du procès, le 28 octobre, le procureur de la République avait requis
à l'encontre de Daniel Forté, 44 ans, une peine de trois ans de prison assortis
d'un sursis partiel ainsi qu'une interdiction d'exercer de cinq ans.
manoeuvre imprudente
Dans ses attendus, le tribunal estime que l'accident est dû à une "manoeuvre
imprudente" de Daniel Forté, par ailleurs reconnu pour "son grand
professionnalisme". Il remarque que le guide, après avoir repéré la plaque
à vent est passé dessus, suivi d'un enfant, puis est revenu sur ses pas pour
aller faire une autre trace en faisant un détour, ce qui a "eu un effet
de surcharge et généré le mécanisme de rupture", puis l'avalanche.
Nelly Seleron, l'avocate grenobloise de Daniel Forté, qui avait plaidé la
relaxe et l'absence de faute, a exprimé après le rendu du jugement "sa
déception" de voir le guide déclaré coupable. Mais elle s'est félicitée
de la modération du jugement, par rapport aux "réquisitions d'une extrême
sévérité" du procureur. "Il n'y a pas d'interdiction d'exercer (...)
pas d'élimination sociale", a-t-elle déclaré à la presse.
Le procureur avait requis une peine de 18 mois d'emprisonnement, assortis
d'un sursis total, et cinq ans d'interdiction d'exercer à l'encontre d'Hervé
Poudevigne, 51 ans, directeur du centre UCPA, organisateur de la sortie. Il
avait demandé la relaxe pour Serge Wadel et Yves Jacques.
"Effectivement, il y a eu une erreur et des victimes", a admis Bruno
Pellicier, président délégué du syndicat national des guides de montagne,
interrogé par les journalistes.
Dans ses attendus, le tribunal observe que "même l'annonce d'un risque
maximum d'avalanche n'impose pas l'annulation d'une sortie hors piste".
Il souligne qu'aucune erreur n'a été commise dans l'organisation de la sortie.
Les guides craignaient particulièrement un jugement contraire sur ces deux
points, qui aurait pu peser lourdement "sur la pratique même du métier".
Le tribunal a enfin condamné Daniel Forté et l'UCPA a payer 3,22 MF au titre
des dommages et intérêts et il a ordonné une expertise médicale pour déterminer
la réparation due à 16 des blessés.
L'avalanche s'est produite alors qu'un groupe de 32 personnes, dont 26 collégiens
de 13 à 15 ans du collège d'enseignement privé Saint-François d'Assise de
Montigny-les-Bretonneux (Yvelines), approchait de la crête du Lauzet, à 2.340
mètres d'altitude. Neuf enfants, un professeur de mathématiques de 54 ans
et une accompagnatrice de l'UCPA de 21 ans, ont péri dans la catastrophe.
Dix-sept personnes ont été blessées.